Ce roman très court se lit rapidement, en une journée, mais il n’en reste pas moins un livre touchant, nous propulsant aux côtés d’aristocrates japonais en pleine déchéance.
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Quelques mots sur l’auteur :
Né en 1909 à Tsuguru, Shuji Tsushima, plus connu sous le nom d’Osamu Dazai est un écrivain japonais. Issu d’une fratrie de onze, élève brillant et auteur précoce, sa vie bascule en 1927, lorsque l’écrivain Akutagawa Ryunosuke se suicide. Tombant dans l’alcool, fréquentant des prostitués, il fera ses premières tentatives de suicide, bien qu’il continuera ses études de littérature.
Grand amateur du Watakushi shôsetsu (genre littéraire japonais où les romans sont centrés sur la vie intérieure d’un héros souvent assimilé à l’auteur, sur le mode de la confession (*)), la plupart de ses romans sont à la première personne et contiennent des éléments autobiographiques. Toutes ses œuvres n’ont pas été traduites, mais parmi ses plus connues à l’international, on peut évoquer La déchéance d’un homme, Mes dernières années, ainsi que ses recueils de nouvelles.
Il décède en 1948, en commettant un double suicide avec sa compagne Yamazaki Tomie.
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Résumé : Une femme de l’aristocratie nippone doit quitter pendant la guerre son hôtel particulier de Tokyo pour aller vivre modestement dans un petit chalet de montagne. Sa fille, Kazuko, mobilisée, travaille la terre. Son fils, Naoji, revient de la guerre intoxiqué par la drogue. Le frère et la sœur se durcissent contre le malheur des temps et clament leur révolte et leur désespoir.
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Ce n’est plus dans un Japon qui s’ouvre à l’Occident que se déroule ce roman, mais bien dans celui du Japon qui connait la deuxième guerre mondiale. Si l’ouverture à l’Occident est une période de transition belle et bien terminée, le Japon est toujours plongé dans des vagues de changements et renouvellements.
Triste, Soleil couchant montre bien les effets de la guerre, qu’ils soient directs (l’absence de Naoki qui a été envoyé dans le Pacifique), que plus indirects (avec Kazuko qui est au Japon, mais doit travailler pour l’armée), sur la noblesse japonaise. Jamais on ne parle avec véhémence des effets des combats et les bombes atomiques, par exemple, ne sont pas mentionnées. Ici, on voit surtout ce que les conflits causent sur ceux qui restent en arrière, plus que sur ceux qui sont sur le front.
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Au Japon, ce roman a eu tant d’influence que l’expression « Soleil Couchant » (斜陽, shayô), inventée par Osamu Dazai, est restée dans les mémoires et permet de définir les membre de la noblesse déchus.
Le déclin de la famille de Kazuko est, dans ce livre, évidente. Il ne reste que peu de membres de l’aristocratie et, selon le frère de Kazuko, ceux méritant leurs titres sont encore moins nombreux. Et celui-ci en est un exemple, puisqu’il s’est endetté par le passé pour pouvoir acheter sa drogue. Kazuko, elle, est obligée de travailler, et leur mère, qu’ils considèrent tous les deux comme la dernière des nobles, est gravement malade. Et c’est en automne que la la dernière des nobles va s’éteindre, à l’époque de l’année où les jours déclinent eux aussi.
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La plume d’Osamu Dazai est très nostalgique, mélancolique même, et ce ne sont que les dernières pages qui amènent avec elle un élan de détermination. Si le rythme est plutôt lent, avec beaucoup de descriptions, j’avoue que je lui ai tout de même trouvé une certaine poésie, bien que j’ai parfois frôlé l’ennui. Rien dans Soleil couchant n’est choquant, cependant, je dois avouer que je trouve l’atmosphère autour de ce livre, la narration, presque dérangeante. Peut-être est-ce parce qu’on reconnaît bien l’auteur en Naoki tout comme en M.Uehara, et que certaines pensées semblent être les siennes plus que celles de ses personnages.
La narration de Soleil couchant se fait au travers de Kazuko, que l’on sent s’éloigner de sa condition d’aristocrate plus elle est au contact de la terre. La nature, d’ailleurs, est quasiment omniprésente, et si elle est évoquée de manière poétique lorsque les personnages la contemplent, cela se nuance lorsque Kazuko travaille à son contact. On découvre autant son passé que son présent, ses pensées sans aucun filtre, ainsi que ses peurs, ses secrets et ses espoirs. Elle admire énormément sa mère, et j’avoue que j’ai eu plus de mal à m’attacher à ce personnage, certes très délicat, mais peut-être trop à mon goût. Très éprouvée par la vie, se rattachant à un grand nombre de superstitions, je peux néanmoins comprendre certaines de ses peines.
Si on découvre beaucoup Naoki au travers du regard peu glorieux de sa sœur, on lit en milieu du roman un de ses journaux, qui retranscrit bien ses souffrances. Mais c’est surtout au travers de sa lettre, touchante, qu’on le comprend le mieux, et peut-être, à travers lui, Osamu Dazai lui-même.
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Je pense que Soleil Couchant peut-être un bon livre pour mettre un pied dans la littérature japonaise. Très mélancolique, il offre un point de vue interne à la noblesse japonaise pendant et après la seconde guerre mondiale. Je le recommande chaudement.
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Soleil couchant
Editions Gallimard
Publication 1961
201 pages