Un constat glaçant pour parler de ce livre : « dans le monde, une fillette est excisée toutes les dix secondes ». C’est de cette tradition effroyable dont nous parle Christelle Angano, dans ce court, mais marquant récit.
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Quelques mots sur l’autrice :
Christelle Angano est une autrice française née en 1967, qui a vécu une partie de son enfance en Ethiopie. Professeure de français, elle a écrit plusieurs livres, par exemple De vous à Moi, sorti en 2015.
Son site internet
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Résumé : Mebrat est éthiopienne. Dans son village, on pratique encore l’excision. C’est contre cette tradition que la jeune femme, moderne et courageuse, va décider de s’élever en refusant de confier sa cadette à l’exciseuse. Comment réagira le village ?
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Sujet délicat que celui de l’excision. Il s’agit de parler d’une tradition barbare qui a toujours, hélas, lieu de nos jours, et je dois avouer que, mal à l’aise, j’appréhendais un peu cette lecture.
Ce thème est ici abordé avec justesse, sans que l’autrice ne tombe dans l’excès ou ne se perde dans la moindre voyeurisme. Certaines scènes, bien entendu, sont douloureuses à lire. Que ce soit quand les femmes évoquent leur souffrance physique, tant pendant l’excision, la souffrance morale également, puisqu’il faut subir cette coutume, mais aussi la faire subir si l’on accouche d’une petite fille, mais surtout pour une scène d’excision, pour une jeune enfant, qui est décrite par l’autrice. Les risques (maladies, décès) liés à l’excision ainsi que les douleurs qui perdurent tout au long des années (quotidiennement, pendant les rapports sexuels…) sont eux aussi développés. Impossible de ne pas prendre parfaitement conscience de la barbarie de l’acte.
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Christelle Angano ne nous fait pas prendre un parti via sa plume, elle va simplement exposer des réalités. L’excision est ancrée dans une tradition, qui rend les choses difficiles quand on ne souhaite pas la faire subir à ses enfants et même si la coutume s’essouffle, ses des voix s’élèvent, elles sont facilement étouffées par les regards, les rumeurs qui se répandent si l’on refuse l’excision et la mauvaise réputation qui va avec.
Les fleurs du lac, nous permet d’avoir un panel des différents points de vue qui s’affrontent quant à cette pratique. Ceux qui pensent que la coutume doit perdurer, ceux qui pensent le contraire, et celles et ceux qui sont d’accord, mais qui n’osent pas aller à son encontre, ou encore les femmes qui en souffrent mais pensent que leurs filles doivent également passer par là. Le point de vue de l’exciseuse en personne est également développé.
Ce roman nous permet de voir pourquoi cette pratique existe, perdure, malgré les voix qui s’élèvent contre elle, et à quel point il est difficile de s’en défaire.
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Malgré la dureté du roman, il est tout de même porteur d’un message d’espoir, notamment au travers du personnage de Mebrat, victime de l’excision, qui va décider d’aller contre cette pratique avec sa fille cadette (ce qui est malheureusement trop tard pour son aîné). Elle va élever la voix pour changer les mœurs, et apportera des modifications au fur et à mesure que les oreilles se feront plus attentives.
Et l’espoir devient plus fort avec les chirurgies réparatrices, qui n’effacent pas la tragique expérience de ces femmes, mais qui leur permet de ne plus en souffrir au quotidien.
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Je ne peux pas parler de « belle » lecture pour cet ouvrage, cependant, je dirais qu’il est juste, et même nécessaire. L’autrice a visiblement fait des recherches et sait de quoi elle parle. Un récit touchant que tout le monde devrait lire.
Les fleurs du lac
Editions de la rémanence
Publication 2019
128 pages
A très vite pour une nouvelle lecture !
Brybry’